« Il parait que les convertis sont encombrants (Bernanos dixit) . Comme je dois être encombrant, moi qui suis un double converti, au Christianisme et à la France ! Sans rien renier de mes racines , j'ai saisi à pleine mains ce que m'offrait l'école française. Je me suis décolonisé par décision autonome. Je me suis déclaré à moi-même pair de ceux qui m'entouraient (...).
Je suis donc passé sans cesser d'être ébloui par ce que je recevais de la France . Je l'ai aimée. Je me suis battu pour elle . Fi donc ! Je laisse parler Poirot-Delpech ( Il s'exprimait au sujet de Romain Gary , autre immigré) : " Un tel patriotisme de nos jours fait figure de bizarrerie . On ne le rencontre plus guère que chez les écrivains qui ont choisi leur patrie au lieu d'y naître malgré eux. L'ennui, avec l'amour filial, c'est qu'on ne choisit pas "...
Eh bien, je refuse ce dédain. Encombrant ou pas, j'ai deux patries: une patrie charnelle qui est ma Kabylie, une patrie spirituelle et d'élection qui est la France. Je souffre du conformisme idéologique qui consiste à la vilipende, à la ramener au nombre des nations méchantes, égoïstes, sectaires, racistes, incorrigibles. Je sais d'expérience que certains de ses fils sont tels mais je sais aussi les trésors qu'elle m'a ouverts.
Il me suffit de refaire en pensée le survol que j'ai imaginé tant de fois: partir des tours de Notre Dame, frôler la Sainte Chapelle, survoler le Louvre, filer vers l'Ouest, ralentir au dessus du Palais de Versailles, passer entre les deux tours de la Cathédrale de Chartres pour venir me poser sur le doigt effilé du Mont St Michel et, de là, rêver à tout ce qui me reste à découvrir ou à revoir: la royale vallée de la Loire avec ses châteaux et l'ensemble du territoire, avec ses cathédrales, ses musées, ses laboratoires - ses savants et ses saints.
Comment peut - on appartenir à un tel pays et ne pas savoir ce qu'il représente ?"
Augustin IBIZIZEN
" Le testament d'un berbère" , éditions Albatros